VOIX du THÉATRE en PALESTINE

 

Palestine est un mot qui déclenche des sentiments contradictoires : il s’agit soit d’une terre « sainte », objet de respect et d’admiration soit d’une terre de « conflits », de guerre voire de terrorisme… C’est occulter l’histoire des femmes et des hommes qui y vivent, ses poètes prestigieux, ses conteurs et ses comédiens de talent qui veulent être reconnus pour leur Art, mais aussi pour leur incroyable résistance faite d’humour, de dignité et d’infinie tendresse pour les enfants, leurs enfants qu’ils veulent voir rire, vivre sur leur terre « La Palestine ».

Pour vous montrer cette riche histoire, Voix du Théâtre en Palestine était conçu et créé avec le concours de 50 membres de la communauté théâtrale palestinienne regroupant comédiens, metteurs en scène et gestionnaires de 26 théâtres.

Au cours d’un périple de plusieurs semaines, en 2015 et 2016, au travers des territoires occupés de Palestine (Cisjordanie, Jaffa, Haifa, Maghar, Jérusalem Est), j’ai recueilli leurs paroles, au travers d’interviews. Pour la bande de Gaza, coupé du monde, c’est par Skype que le contact a eu lieu. Je l’ai enrichi avec les échanges vécus ensemble, en France, au cours de tournées théâtrales où nous parlions à bâtons rompus des joies et des difficultés du théâtre en Palestine. Ces témoignages nous donnent une vision intimiste, expérientielle et passionnante de la culture et de la vie contemporaine palestinienne qui, si elles sont affectées par l’occupation israélienne ne s’en trouvent en rien diminuées.

 

Le livre est constitué d’environ 150 pages de textes et 220 photographies dont 150 sont de petits portraits, en noir et blanc, ce qui donnera environ 200 pages au total.

 

RECUEILLIR ET PARTAGER LA PAROLE DES ACTEURS

Ce livre est un espace où ces artistes Palestiniens évoquent leur théâtre et leur vie, ils présentent avec leurs propres mots leur pratique et la culture de la Palestine, au travers de propos personnels puissants et émouvants. Les comédiens sont particulièrement attachés à montrer que leur théâtre est avant tout un acte de création, un Art et non pas uniquement un acte militant, auquel il est trop souvent réduit.

“3 en 1”, Yes Theatre, Laval, France, le 24 septembre 2014 (Raed Alshyoukhi, Mohammed Titi, Ihab Zahdeh)

 

UN AUTRE REGARD SUR LA PALESTINE

Dans les médias, les images dramatiques et violentes du conflit israélo-palestinien occupent tout l’espace. La culture palestinienne est peu connue et comprise, voire niée alors qu’elle est florissante et que le théâtre en est une composante incontournable. Répartis sur l’ensemble du pays, les théâtres jouent le même rôle essentiel qu’ailleurs dans le monde : ils sont à la fois le véhicule de valeurs et idéaux traditionnels ; et le forum où se développent de nouvelles idées et où se tissent des relations humaines.

Dans le contexte de l’occupation israélienne, le théâtre permet de limiter la destruction et la distorsion culturelles. Il fournit aussi un moyen de canaliser les frustrations et la colère du peuple dans des expressions d’identifications personnelles et de résistance non-violente.

Fathi Abdelrahman travaillant avec un groupe des jeunes, Popular Theatre Society for Performing Arts and Training, Al-Bireh, le 22 septembre 2015

 

Voix du théâtre en Palestine n’est pas né d’un présupposé, il s’est construit au fil des rencontres, des interviews et de réflexions. Ce cheminement a permis de sortir des représentations stéréotypées et unidimensionnelles afin de mieux rejoindre les palestiniens dans ce qui est essentiel pour eux. Cet ouvrage porte leurs paroles et en introduction, il clarifie trois points essentiels pour une meilleure compréhension que je résume ainsi :

Tous victimes ? Notre société est victime de l’occupation, mais moi, je suis un individu à part entière dans cette société et je ne me définis pas comme victime. Je vis et je travaille en tant que membre de cette société, tentant de construire un avenir pour moi-même, ma famille et ma société.

Radi Shehadeh dans son bureau à Maghar, le 17 octobre 2016

Vivre ou survivre ? Il y a une différence entre survivre et une vie normale. Je dépense énormément d’énergie juste pour survivre. Chaque jour, j’entreprends la démarche de construire mon travail et ma vie et le lendemain, je vois une grande partie de cet effort nié. Alors, je recommence. Ce cycle nous laisse peu de temps pour la culture, l’épanouissement personnel ou même le repos. Cela peut donner l’image d’une société qui ne s’occupe pas d’elle-même, alors qu’en réalité elle vit intensément.

Chantier, Beit Jala, le 14 septembre 2015

L’image d’une société violente ? Nous, les Palestiniens, sommes constamment présentés comme des extrémistes violents et déraisonnables. En plus, beaucoup de Palestiniens sont réticents à dénoncer la violence et sont vus comme sympathisants, sinon comme complices. Mais très peu d’entre nous s’engagent dans la violence ou bien la cautionne.

Répétition de la dance du “dabka”, Alrowwad Cultural Centre, camp de refugées d’Aida, Bethléem, le 12 septembre 2015

 

Sur plus de 200 pages, Voix du théâtre en Palestine présente vingt-six théâtres et troupes de théâtre, au fil de chapitres de deux à douze pages.

40 ans du theatre palestinian, Palestinian National Theatre, Jerusalem est, le 28 septembre 2015

Les témoignages des acteurs et metteurs en scène sont accompagnés d’une présentation de chaque théâtre : son histoire, ses coordonnées, les personnes qui le font vivre. Si ce n’est pas le but premier de cet ouvrage, Voix du théâtre en Palestine peut vous permettre de prendre contact facilement avec ces lieux.

Palestinian National Theatre, Jerusalem est

Sandouq El-Ajab Theatre, Ramallah

Tantoura Theatre, Ramallah

Les interviews sont structurées autour de six questions récurrentes : « Quel est le rôle du théâtre dans la société palestinienne ? » ; « Quelles sont les contraintes auxquelles il est soumis ? » ; « Êtes-vous un artiste qui résiste ou bien un résistant qui s’exprime à travers le théâtre ? » etc. Toutefois, chaque interview a suscité des discours spontanés et passionnés, une expression personnelle et subjective.

Samia Abu Hmud, Inad Theatre, le 15 septembre 2015

Le problème c’est qu’ici, en Palestine, nous avons atteint un point où nous accusons l’occupation israélienne de tous nos maux. Même le temps qu’il fait et nos habitudes culinaires ! Ils en accusent l’occupation ! Oui, l’occupation existe et les Israéliens ne veulent pas de nous ici, ils veulent nous jeter dehors. Mais, nous faisons maintenant face à un autre danger, un danger de l’intérieur : notre propre occupation à l’intérieur de nous. C’est plus dangereux que l’occupation israélienne, plus dangereux que les Israéliens qui veulent nous jeter à la mer. Lorsque nous en sommes au point, nous le peuple palestinien, de nous battre entre nous, c’est très, très dangereux. Lorsque j’écris des propositions et des lettres de motivation, quand nous soumettons des dossiers pour des financements de projets d’art dramatique, je n’écris pas : « Oh ! nous sommes Palestiniens, nous vivons sous la coupe des israéliens, les Palestiniens souffrent et nous devons résister ». C’est terminé ! L’occupation israélienne n’est pas le seul problème palestinien, ce n’est pas le seul désastre palestinien ! Nous avons nos propres problèmes et nos difficultés internes. Nous devons résister contre nous-mêmes.

Kamel El-Basha, Quds Art, Jerusalem est le 28 octobre 2016

Au théâtre, on ne peut pas rester avec le même groupe très longtemps. Le plus longtemps que j’ai passé avec un groupe, c’était avec le Théâtre Al-Kasaba à Ramallah. Au bout de trois ans – de 2000 à 2003 – ça a commencé à devenir difficile de travailler ensemble. Nous avions trop l’habitude les uns des autres et nous devenions trop répétitifs.  “Je sais ce que tu vas dire !”. Nous improvisions tous les jours pour préparer une pièce tous les quinze jours et, peu à peu, nous avons cessé d’aimer ce que nous faisions ensemble. Nous nous sommes donc séparés et chacun a suivi sa route. C’est normal au théâtre, en tant qu’acteur ou metteur en scène individuel, il faut travailler avec des gens différents pour faire de nouvelles expériences. Car, Au théâtre, chaque être humain est lui-même un trésor. Donc il faut bouger régulièrement.

 

Ihab Zahdeh, Yes Theatre le 6 octobre 2015

Notre mission est de donner au théâtre, aux artistes et aux arts, en général, une place dans la vie quotidienne des gens afin qu’ils puissent regarder et réfléchir sur leurs vies en partant de points de vue différents et de leur offrir l’expérience des arts à travers le théâtre. Avant l’Yes Theatre, il n’y avait pas de théâtre à Hébron. Il y avait bien des gens qui s’y essayaient, ici et là, mais leur connaissance du théâtre venait de la télévision, en particulier, du théâtre égyptien. Ce n’est pas du vrai théâtre, le plus souvent c’est de la comédie, non palestinienne et non connectée avec nos vies. Nous avons décidé de faire du vrai théâtre à Hébron. Et c’est ce que nous faisons, aussi bien en tant que théâtre professionnel qu’en travaillant avec les jeunes.

 

Pour lire l’introduction et les 3 extraits de Voix du théâtre en Palestine : Cliquez ici

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